Le grand échiquier vu par la lorgnette de Minsk
Christelle Néant est une française de 37 ans engagée la lutte contre l'impérialisme étasunien depuis des années. Attentive au développement de la crise ukrainienne elle s'est tout naturellement portée volontaire pour venir témoigner en première ligne du combat mené par le Donbass contre la folie de Kiev.
Au sein de l'agence Doni news pour laquelle elle réalisait déjà depuis sa résidence en Belgique un travail de traductrice, Christelle Néant s'est lancée sur les front de l'information mais aussi de la guerre en tant que reporter où avec Katerina Katina elles forment une équipe de terrain allant sur les lignes les plus avancées du front..
Elle vient de produire un article intéressant concernant les accords de Minsk 2 qui mérite une attention particulière car en effet si ces accords sont souvent critiqués (y compris par moi même) ils n'en demeurent pas moins vitaux pour obtenir un déblocage de cette guerre et surtout espérer une résolution diplomatique du conflit...
Une analyse qui rappelle que la dimension géopolitique de cette guerre dépasse de loin les frontières de son champ de bataille et que la stratégie qui y est y appliquée s'inscrit quant à elle aussi dans une durée longue ...
Erwan Castel, volontaire en Novorossiya
Source de l'article: DONi press
Faites ce que je dis et surtout ce que je fais -
De l'importance des accords de Minsk-2 et de l'attitude de la Russie pour la réhabilitation du droit international
19 Jul 2016
Beaucoup de ceux qui supportent la Russie et le Donbass sont en colère lorsqu'ils voient les victimes et les destructions de cette guerre civile qui continue dans le silence des grands médias occidentaux. Et cette colère s'exprime sous la forme d'appels à la guerre, à l'intervention de la Russie pour sauver le peuple du Donbass, voire parfois d'appels à raser purement et simplement Kiev.
Si les conseilleurs ne sont pas les payeurs, ceux qui appellent ainsi à la guerre sont aussi rarement ceux qui devront la mener en première ligne. Il est facile depuis son salon confortable en Occident d'appeler la Russie a entrer en guerre pour sauver le peuple du Donbass. Il est plus difficile de comprendre que cette intervention aurait un prix très élevé y compris pour les personnes qui appellent cette guerre de leurs vœux.
Les accords de Minsk-2 et leur respect sont pourtant d'une importance capitale, non seulement pour le Donbass et la Russie mais aussi pour le monde entier. Et si certains considèrent les accords de Minsk-2 comme une trahison de la Russie envers le Donbass, il n'en est rien.
Tout comme pour son intervention en Syrie, la Russie a réaffirmé via Minsk-2 la prédominance du droit international. Un droit malmené depuis des décennies par les USA et l'OTAN et que la Russie tient à réhabiliter, car seul le droit international respecté par tous peut garantir la paix mondiale, et des relations plus équilibrées entre les différents pays. Si le droit international n'existe plus alors comme l'a si bien dit Vladimir Poutine ce sera simplement le règne du plus fort. La loi de la jungle.
Comment la Russie pourrait-elle promouvoir ainsi le droit international si de son coté elle le bafouait ouvertement ? Beaucoup me rétorqueront que les USA et l'Occident pratiquent bien le double discours du « faites ce que je dis mais pas ce que je fais ». Si on souhaite décrédibiliser à tout jamais le message porté c'est effectivement la meilleure façon de faire.
Mais la Russie n'est pas l'Occident, et ce n'est pas parce que l'Occident agit comme un sagouin avec l'honnêteté et le droit international que la Russie doit faire de même. C'est par l'exemple que l'on peut convaincre de la réalité du message que l'on porte. Car si les mots sont faciles à travestir, il est bien plus difficile de mentir par les actes.
Et c'est cette philosophie qu'applique la Russie, en Syrie où elle n'est intervenue qu'en accord avec le droit international, après les échecs de ses appels à négocier. Des négociations qui ont vite été appelées de leurs vœux après les succès de l'aviation russe, par ceux là même qui les avaient dédaignées avant.
Et lorsque le cessez-le-feu en Syrie a été mis en œuvre, tous on crié à la trahison de la Russie envers la Syrie, sans comprendre l'enjeu : celui de distinguer facilement les rebelles réellement modérés (opposition démocratique) des terroristes. Ces derniers en effet ayant refusé de ratifié le cessez-le-feu ou le violant, permettent ainsi à la Russie de justifier ses frappes les concernant sans que la communauté internationale ne puisse plus rien y trouver à redire.
Les accords de Minsk-2 sont issus de la même logique, et sont en réalité des accords à « tiroirs » multiples. Leur but est à la fois de :
- Faire baisser significativement le nombre de victimes, même si le cessez-le-feu n'est pas respecté par Kiev, il y a moins de victimes depuis les accords de Minsk que dans les débuts de la guerre.
- Rappeler que le droit international n'est pas fait pour s'asseoir dessus, et que les différents doivent se régler d'abord par la négociation. Montrer par la même occasion que la Russie promeut activement le respect du droit international contrairement aux affirmations occidentales.
- Laisser Kiev et ses soutiens occidentaux se décrédibiliser en n'implémentant pas Minsk-2 (car c'était écrit avant même que la signature de Porochenko au bas du document soit sèche), et leur faire endosser ainsi le rôle de ceux qui n'auront pas respecté le droit international et les accords signés (et pour ceux qui croient qu'un jour l'Ukraine implémentera Minsk-2, le faire signifierait le suicide politique pur et simple du président qui le ferait, sauf à totalement dénazifier l'Ukraine).
- Laisser du temps à l'Ukraine et potentiellement aussi à ses soutiens occidentaux de s'effondrer tout seuls si possible, mettant fin de fait à la guerre (parce qu'actuellement l'état financier des USA, de l'Europe et de l'Ukraine est très loin d'être réjouissant, tous les indicateurs plongent de plus en plus dans le rouge).
- Donner du temps aux deux jeunes Républiques populaires pour former un véritable état viable, et offrir ainsi une alternative solide à l'état Ukrainien.
- Libérer la Russie temporairement sur un front pour s'occuper plus intensivement du cas syrien, et le résoudre pour de bon (parce que gérer deux front chauds en même temps c'est dangereux).
- Donner aussi du temps à la Russie pour se préparer à la confrontation avec les USA et l'OTAN si elle s'avérait inévitable (ce qui est malheureusement de plus en plus le cas).
Car il ne faut pas s'y tromper, le Donbass, la Syrie et d'autres conflits à la périphérie de la Russie ont pour but de provoquer cette dernière à réagir pour pouvoir ensuite l'attaquer sous ce prétexte. Au moindre faux pas de la part de la Russie, l'OTAN obtiendra l'excuse dont elle a besoin pour lancer les hostilités contre la Russie, et déclencher ainsi une troisième guerre mondiale.
Et appeler la Russie à faire la guerre à l'Ukraine ce n'est ni plus ni moins que faire le jeux des chiens de guerre de l'OTAN. Plus la Russie gagnera de temps avant cette confrontation, plus ses chances de l'emporter avec le moins de victimes seront grandes. D'ici la fin de 2016 - début 2017, la Russie sera dotée des systèmes de protection antiaériens S-500, verrouillant ainsi son ciel aux missiles balistiques et nucléaires ennemis. Et l'ennemi le sait. Cela conjugué à la situation catastrophique de l'économie américaine et des élections présidentielles à venir, forme cette année un cocktail hautement explosif, sur lequel beaucoup essayent de jeter des allumettes.
Si la situation dans le Donbass vous révolte, alors agissez, mais intelligemment. Relayez les informations pour essayer de réveiller les gens autour de vous, donnez pour des associations humanitaires, ou faites des actions humanitaires pour le Donbass. Mais arrêtez de vouloir agir dans la précipitation pour sauver la population du Donbass.
Ce qui est en jeu va bien au-delà du Donbass, et les victimes en cas de faux pas de la Russie, ne se compteraient pas en dizaines de milliers mais en dizaines de millions sinon plus. Dans ces circonstances il nous faut tous agir avec circonspection, patience et recul. Comme tout bon joueur d'échec. Et se rappeler que :
« Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage »
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