Quand la propagande occidentale essaye de noyer le poisson
Le juillet matin, le monde découvrait qu'un coup d'état militaire était en cours à Ankara, et rapidement, les images de chars bousculant les voitures d'une ville mitraillé par des hélicoptères arrivaient sur les écrans des médias médusés...
En fait le chaos n'a duré que 6 heures car les forces gouvernementales et surtout la population répondant à l'appel du Président Erdogan ont contré les militaires rebelles qui peu à peu se sont rendus aux loyalistes... Le putsch avortait aussi vite qu'il étéit apparu et laissait la place à une campagne d'arrestations et d'épurations au seine de l'appareil miliotaire et de l'opposition au Président Erdogan.
Au moment des événements j'avais relevé l'étrange coïncidence de ce coup d'état intervenant juste après un volte face de la politique étrangère turque qui de concert venait de renouer un dialogue avec la Russie et lâcher son soutien aux groupes djihadistes d'opposition au gouvernement syrien de Assad, jusqu'à rejoindre la coalition anti-Daesh... De nombreuses analyses confirment l'hypothèse d'une tentative d'éviction du président Erdogan pour le punir de ce rapprochement avec Moscou, et l'orientation de la propagande occidentale traitant de l'événement te également à prouver que ce coup d'état était piloté par les occidentaux...
Bien sûr pourra t-on arguer du fait que les gouvernements occidentaux ont tous condamné ce coup de force en Turquie mais auraient-ils vraiment pu tenir un autre discours officiel ? certainement pas.
En revanche les médias depuis 2 jours se lâchent littéralement contre la victime de ce coup d'état avorté, le Président Erdogan... Certains même vont jusqu'à soupçonner le chef de l'Etat turc d'avoir fomenté lui-même ce coup d'état pour légitimer une épuration politique... Très peu de commentaires sur les putschistes, leurs attaques, leur intentions, leur appuis probables d'une opposition en exil aux USA... par contre beaucoup de commentaires sur l'éventualité du rétablissement de la peine de mort par Ankara, du lynchage de soldats putschistes dans les rues d'Ankara etc... bref une campagne de victimisation des coupables de cette tentative de coup d'Etat !
De là à dire que l'échec du putsch ne plaît pas à la bien pensance dirigeante... il n'y a qu'un pas !
Certes le Président Recep Erdogan, que je suis loin de porter dans mon coeur, semble vouloir organiser au lendemain de ce coup d'Etat manqué une purge au sein de son appareil militaire et son opposition politique, mais quel gouvernement ne serait pas tenter de la faire dans les mêmes circonstances ?
Ici encore la propagande de la bien pensance agite le chiffon des droits de l'Homme pour montrer du doigt un gouvernement qui sort de l'alignement défini par Washington, alors que ce même chiffon moral est soigneusement gardé au fond des poches de la conscience humaine lors que ce mainstream nauséeux évoque le riche partenaire saoudien des occidentaux.
La diabolisation de celui qui il y a quelques temps encore était considéré comme un partenaire économique important et un allié militaire vital (la Turquie qui est dans l'OTAN depuis 1952 a la 2ème armée la plus importante de l'alliance avec 700000 hommes) est un réaction suspecte surtout quand on considère qu'elle intervient quelques jours après un réchauffement des relations entre Moscou et Ankara...
Recep Erdogan doit rencontrer très bientôt le Président Poutine et certainement l'ordre du jour de cette rencontre qui va certainement réactiver des partenariets entre la Turquie et le l'Eurasie à laquelle elle appartient naturellement plus qu'à l'Europe a été éventé et a effrayé le bloc occidental qui a décidé de saboter cette réconciliation entre Ankara et Moscou.
En effet, j'ai l'intime conviction que c'est la politique libre et imprévisible d'Erdogan qui a inspiré cette tentative de coup d'état contre lui afin d'éviter que la Turquie n'engage de nouvelles relations avec la Russie, notamment en réactivant le "Balkan stream" ce colossal projet de route énergétique qui était la parade au sabotage du projet "South stream" par les suivistes occidentaux de la politique étasunienne...
Erwan Castel, volontaire en Novorossiya
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Source de l'article : le Saker francophone
Les gagnants et les perdants dans la tentative de coup d’État en Turquie
BhadrakumarPar M.K.Bhadrakumar – Le 16 juillet 2016 – Source Asia Times
La tentative sanglante de coup d’État en Turquie, menée par une section de l’armée a échoué et la nuit des longs couteaux est sur le point de commencer. La géopolitique du coup d’État rend inévitables les répercussions très loin au-delà de la Turquie.
Le président turc Tayyip Erdogan (C) avec ses partisans à l'aéroport Ataturk à Istanbul, le 16 juillet. REUTERS / Huseyin Aldemir |
Le récit racontant que cela a été une rébellion de généraux et colonels mécontents contre un dirigeant autoritaire est beaucoup trop simpliste. La cible était sans aucun doute Erdogan, mais l’ordre du jour est plus compliqué que cela.
Ces événements dramatiques auront un impact sur le rôle régional et international de la Turquie dans toutes ses dimensions.
Une chose peut être dite avec certitude depuis le début : ce ne fut pas une tentative de coup d’État par des kémalistes qui cherchaient à poser un geste désespéré pour faire reculer la marée de l’islam politique et évincer le président Recep Erdogan du pouvoir. Les deux principaux dirigeants de l’opposition du principal parti kémaliste et du parti nationaliste ont exprimé une forte solidarité avec les forces démocratiques.
Cela signifie, à contrario, que le dirigeant turc est immensément populaire en ce moment et jouit de la sympathie d’un spectre de l’opinion turque plus large que le mandat de 51%, que le Parti de la justice et du développement au pouvoir lui a confié lors du scrutin parlementaire en 2014.
L’écrasante majorité des Turcs ne veut pas que leur pays revive son histoire passée avec des Pachas qui subvertissent systématiquement la suprématie du pouvoir civil élu.
Assurément, Erdogan sent qu’il est du bon côté de l’Histoire et on peut s’attendre à ce qu’il en profite dans les prochaines heures, jours et semaines. Ceci est une chose.
Cependant, le plus inquiétant est que le gouvernement a pointé du doigt les partisans du chef islamiste turc Fethullah Gülen, installé aux USA, pour avoir monté le coup d’état avorté – Gülen, sans surprise, a rejeté l’allégation.
Le commandant turc de la région maritime méditerranéenne de la Turquie, l'Amiral Nejat Atilla Demirhan (au centre) a été arrêté à Mersin |
L’agence de presse Anadolu, gérée par l’État, a ostensiblement désigné un colonel, Muharrem Kose, qui a été expulsé de façon déshonorante de l’armée turque en mars 2016 pour ses liens présumés avec Gülen, comme leader de la tentative de coup d’État.
Le ministre de la Justice a également déclaré à la télévision d’État que les partisans de Gülen ont organisé le coup d’État avorté.
Il est certain à 100% que le gouvernement va lancer une purge massive contre les adeptes de Gülen dans les divers organismes du gouvernement, les forces armées et la justice.
Erdogan avait déjà cherché à faire extrader Gülen des États-Unis, ce qui va maintenant devenir une demande pressante, avec laquelle Washington devra composer. Et là, il y a un os.
Cet os c’est qu’il y a toujours eu un soupçon dans l’esprit des turcs que Gülen a travaillé pour les services de renseignement américains.
Un mémoire de l’ancien chef du renseignement turc Osman Nuri Gundes − qui a servi sous Erdogan − publié en 2011, fait valoir que le mouvement islamique mondial de Gülen basé en Pennsylvanie a assuré la couverture de la CIA, en particulier dans les anciennes républiques soviétiques en Asie centrale.
Fait intéressant, la Russie a par la suite interdit les écoles Hizmet de Gülen. L’Ouzbékistan a suivi la Russie.
Bien que Gülen ait fui la Turquie en 1998 pour les États-Unis, il n’a obtenu un permis de séjour qu’en 2008 et les Turcs ont déclaré avec insistance que sa demande de carte verte avait été recommandée par deux hauts responsables de la CIA. Il faut noter que Gülen n’a jamais voyagé en dehors des États-Unis au cours des dix-huit dernières années, depuis qu’il a atterri sur le sol américain, bien que son réseau mène des opérations dans le monde entier.
On peut tenir pour assuré que, dans le contexte du coup d’État avorté, le rôle de Gülen jettera une ombre sur les relations entre la Turquie et les États-Unis, qui ont déjà subi des revers en diverses occasions, au cours des dernières années, sous le règne d’Erdogan.
La grande question est de savoir jusqu’à quel point la tentative de coup d’État aurait été motivée par la politique étrangère de Erdogan. Le fait qu’il pourrait y avoir une telle dimension est difficile à ignorer.
Gülen a exprimé sa forte désapprobation de nombreux aspects controversés des politiques régionales d’Erdogan, comme le déclin dans les relations de la Turquie avec Israël et sa gestion du problème kurde ou l’intervention turque en Syrie.
Curieusement, la tentative de coup d’État coïncide avec les tendances naissantes d’un changement dans la politique étrangère turque, en particulier, dans le sens d’un rapprochement avec la Russie et d’un éventuel démantèlement des politiques interventionnistes d’Ankara en Syrie.
Le coup d’État, s’il avait réussi, aurait sabordé une éventuelle rencontre entre Erdogan et le président russe Vladimir Poutine dans les prochaines semaines, rencontre qui détient le potentiel d’être un moment déterminant dans le conflit syrien.
Moscou fait remarquer que la normalisation avec la Turquie pourrait avoir des retombées positives sur la situation en Syrie. Ankara a également fait allusion à une volonté de rétablir les liens avec la Syrie. De manière significative, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Zarif a utilisé un langage exceptionnellement fort pour condamner la tentative de coup d’État en Turquie − avant même qu’il ait définitivement échoué.
Toutes choses étant prises en considération, un éventuel changement de la Turquie est bien sûr anticipé à Moscou et à Téhéran comme un événement géopolitique aux conséquences capitales pour le réalignement de la politique au Moyen-Orient et de l’équilibre global des forces.
Pendant ce temps, la Turquie, une grande puissance de l’OTAN, est un partenaire régional que l’Occident peut difficilement ignorer pour poursuivre une stratégie efficace au Moyen-Orient. Bien sûr, Erdogan n’a pas été un partenaire facile – mais de son côté, il reste aussi suspicieux des intentions occidentales.
En théorie, la nouvelle proximité entre la Turquie et la Russie nécessitera aussi une remise à zéro de l’ensemble des calculs stratégiques occidentaux. En fait, une remise à zéro devient nécessaire en ce qui concerne une série de questions – allant du changement de régime en Syrie à la lutte contre le terrorisme, jusqu’à l’ordre du jour des gazoducs en compétition pour alimenter le marché européen.
Le bilan final est que, s’il est prouvé – ou plutôt, une fois qu’il sera prouvé hors de tout doute − que les Gülenistes ont fomenté la tentative de coup d’État avorté, Erdogan ne peut qu’y voir la main cachée des services de renseignement occidentaux voulant l’évincer de la politique turque.
De toute évidence, l’invocation par Erdogan du pouvoir du peuple pour faire avorter la tentative de coup d’État a pris la plupart des analystes américains par surprise. Aussi désagréable que cela puisse être pour la région et la communauté internationale − en particulier l’Union européenne et les États-Unis − elles n’auront désormais d’autre choix que d’apprendre à vivre avec un Erdogan remonté à bloc.
La propension d’Erdogan à mener une politique étrangère indépendante ne sera que plus prononcée après cette expérience brûlante à laquelle il a échappé de justesse.
En particulier, ces événements constituent un revers majeur pour les plans des États-Unis d’établir une présence permanente de l’OTAN dans la mer Noire pour contenir la Russie.
MK Bhadrakumar
MK Bhadrakumar a servi en tant que diplomate de carrière aux Affaires étrangères de l’Inde pendant plus de 29 ans, avec des postes d’ambassadeur en Ouzbékistan (1995-1998) et en Turquie (1998-2001). Il écrit dans le blog Indian Punchline et régulièrement pour Asia Times depuis 2001.
Traduit et édité par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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Source de l'article : Katehon
Alexandre Douguine : la Vérité sur le coup d'Etat en Turquie
18.07.2016
Alexandre Douguine
Fin de semaine dernière, une tentative de coup d'Etat militaire a eu lieu en Turquie. Une tentative de putsch préparée en dehors des frontières de la Turquie.
Par coïncidence, je me trouvais à Ankara le 15 Juillet où je commentais l'attentat à Nice en direct sur «Tzargrad». Personne ne se doutait que quelques heures plus tard débuterait le coup d'Etat.
Voilà ce qui s'est passé. Dans le cadre de ma visite en Turquie, j’ai rencontré des personnes haut placées, y compris le maire d'Ankara Melih Gökçek, qui a pu me confier son opinion sur la situation politique en Turquie à la veille du putsch. Lors de notre entretien Melih Gökçek, qui est très proche du président Erdogan, parlait d’un état parallèle en Turquie crée par la secte de Fethullah Gülen.
Cette secte est basée aux États-Unis, en Pennsylvanie, d'où elle dirige son réseau d’agents d'influence qui se répandent dans la société turque.
Melih Gökçek a avoué n’avoir pas compris tout de suite que, sous couvert de programmes humanitaires et de bienfaisance, se cachent des structures dirigées par la CIA.
Lors de cette conversation privée Melih Gökçek avait exprimé l’idée, qu’il a ensuite exprimé publiquement pendant le coup d'Etat, que c’est la secte de Fethullah Gülen qui a abattu l’avion russe et a tué son pilote. Car le but des États-Unis était de brouiller Ankara et Moscou au moment où nos pays étaient proches d’une collaboration. L'avion et la mort du pilote sont devenus le point de départ de cette intrigue géopolitique. Les américains ont prévu que le boycott russe affaiblirait les positions d’Erdogan et qu’ils pourraient ensuite le remplacer par Ahmet Davutoğlu. C'est pourquoi en Turquie se sont formées deux forces : d'un côté les kémalistes et les patriotes qui voulaient rétablir les relations avec la Russie - ils poussaient même Erdogan à présenter des excuses officielles. Et de l’autre, la secte de Gülen et les structures proaméricaines qui, au contraire, voulaient aggraver la situation.
À la fin de notre rencontre, deux heures avant la révolution,Melih Gökçeka dit: «Nous avons sous-estimé la puissance de l'État parallèle crée par les américains et les partisans de Gülen. C’est notre faute. Mais désormais nous corrigerons notre action, la priorité c’est le nouveau rapprochement avec Moscou».
À l'aéroport d'Ankara, pendant que j'attendais le vol pour Moscou, j'ai entendu des coups de feu et des explosions. L'aéroport était cerné par les militaires. Les départs ont été annulés.
Nous avons été informés du coup d'Etat des militaires insurgés contre Erdogan. Mais pour moi ilétait clair que c’était le réseau d'agents qui occupaient les postes influents dans l'armée. C’était leréseau de Fethullah Gülen qui a mis en pratique le plan final de déstabilisation.
C'était la dernière chance de renverser Erdogan, qui, avec le soutien des kémalistes, a décidé de rompre avec Washington et se tourner vers la politique eurasienne, c'est-à-dire vers Moscou. Plusieurs politiques turcs m’ont même fait savoir que la Turquie examinait sérieusement la perspective de sortir de l'OTAN et de se rapprocher de Moscou pour les questions militaires. Le réseau d'agents américains avait pour seule issue le coup d’Etat, et les forces proaméricaines ont tenté de le réaliser.
Cette nuit-là était pleine d’incertitude. Mais vers le petit matin les forces patriotiques nationales de la Turquie ont réprimé la révolte. Et tout ce dont l’on discutait en chuchotant la veille, était prononcé ouvertement sur les tribunes publiques – non seulement par le maire d'Ankara ou le premier-ministre, mais aussi par Erdogan lui-même : le putsch a été fomenté par les mêmes forces qui ont abattu l'avion russe: l'État parallèle.
Mais maintenant, plus rien ne retient la Turquie de totalement rompre ses relations avec les instigateurs du renversement du pouvoir légitime par la force, sortir de l'OTAN et se rapprocher de la Russie réellement. L’avenir c’est l'Axe Moscou-Ankara, comme j’avais intitulé mon livre, publié en Turquie il y a dix ans. A l'époque j’ai pris les devants, mais maintenant l’Histoire a rendu possible cette idée stratégique.
Depuis des siècles la Russie et la Turquie s’empêchaient l'un et l'autre d’atteindre les buts souhaités. С'était la raison de nombreuses guerres.
Si nous bâtissons une stratégie commune, nous réglerons ensemble tous nos problèmes, avec la paix et le partenariat stratégique. C'était la prophétie du grand philosophe russe, slavophile et conservateur Konstantin Leontiev.
Alexandre Douguine
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